This post is mainly in French. Paid subscribers can read the English version of this week’s poem lower down. Next week I’ll be back to my usual English ramblings…
Je n’écris que rarement en français ici, bien que je vive principalement dans cette langue que j’ai faite mienne, que j’ai apprivoisée, qui m’a apprivoisé. Je trouve qu’il y a quelque chose d’illogique dans le fait que je passe la plupart de mes journées, de mes moments les plus intimes, à penser, à arbitrer et transmettre mes sensations et émotions, en français, mais que, quand il s’agit d’écrire, de m’exprimer dans ce qui me semble être la manière la plus honnête, la plus proche des idées (pour ne pas dire « vérités ») que je souhaite exprimer, j’ai toujours recours à l’anglais, à la langue maternelle. La langue maternelle dans le sens le plus stricte : je n’ai que le spectre d’une langue paternelle. Est-ce cela la transmission intergénérationnelle ? Tel père, tel fils, j’abandonne ma langue maternelle et je me réinvente dans une deuxième langue, une langue quotidienne, qui est venue modifier ma perception, mes émotions, mais au fond de moi, je garde cette relation aux menues nuances du monde, au détail, dans la langue qui m’a fait aborder tout, enfant, pour la première fois ?
Language is, after all, only mediation.
Quoi qu’il en soit, il me semble logique que parfois j’exprime ma relation à l’environnement qui m’entoure – un environnement, un écosystème, et un milieu que je n’ai connu qu’en France et qu’à travers la langue française – en français.
Note : j’ai toujours aimé la sonorité entre « lisière » et « lierre ».
Lisière
C’est un pays sournois
Boisé, vert, épais
Il te connaît mieux
Que tu penses le connaître
Contournant, taillant allées et chemins
Qu’il remplit en débordant, gagnant son terrain
Lentement et tout d’un coup
Contre les coupes, les tailles, les scies
Tu as appris à distinguer
Entre le hurlement du pic et le geai qui crie
Tu penses connaître les différents bruissements
Les silhouettes floues dans le demi-fond
Biche, ou sanglier, ou loup
Mais encore tu accélères le pas, rappelles ton chien
L’aube et le crépuscule s’ouvrent tant d’yeux dans la brume
Feuilles de hêtre, ailes de papillon, reflets de phares
Ils te suivent, ne quittent pas
Ce pays est ici depuis bien plus longtemps
Il connaît tes sens simples
Tes mouvements prévisibles, tes gestes malhabiles
Il se referme, il fait écran
Il fait tomber du lierre, des avertissements,
Dans les crépitements des aiguilles de pin
Le bruit sourd d’une branche et ce silence
Si plein
Toi, si heureux
D’habiter ces lisières
De jouer à l’idée de la farfouille et du retour
Sais-tu distinguer racine de panais de racine de cigüe ?
Comment retirer les êtres qui grouillent et rampent
Sur les glands et les châtaignes ?
Ces êtres qui t’ingéreront, toi aussi
Ces êtres que tu deviendras
Puisque tes doigts qui crampaient avec les arpèges
Tes tendons qui se serraient en attrapant des balles
Tes pieds qui se tendaient contre le macadam
Ils plongent si facilement dans cette terre
Cette terre dans laquelle tu ressens de la peur
Cette terre se moisit avec certitude
Cette terre dans laquelle tu ressens de l’espérance
Cette terre se paille en adaptation
C’est un pays rusé et espiègle
Bois qui se pourrit en terre
Un pays qui pulse dans un gémissement d’attente
De ton retour, de ta renaissance
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